Archive for the 'Abbé Legendre' category

L’oeuvre de l’abbé Legendre, curé d’Hénouville

Mai 15 2005 Published by under Abbé Legendre

Article paru dans Hénouville Contact, janvier 1999.
Voir aussi : A. Serander, « Zur Autorschaft des Obstbuchs von Antoine Legendre (1652) », Zandera, 19 (2004) Nr 2, Berlin.

L’ŒUVRE DE L’ABBE LEGENDRE REMISE EN QUESTION !
Les Hénouvillais ne sont pas sans savoir que leur village compta un curé célèbre en la personne de l’abbé Legendre.

Né en 1590 au Vaudreuil, Antoine Legendre, aumônier du roi Louis XIII, contrôleur des jardins fruitiers de sa Majesté, fut en effet curé d’Hénouville de 1622 à 1659.

Il est connu pour avoir été le premier, au moins en Normandie, à indiquer la manière de cultiver les arbres fruitiers en espalier. C’est lui qui mis en vogue également la façon de greffer les poiriers sur les cognassiers. On sait également qu’il se lia d’amitié avec un des Corneille (cf. Hénouville Contact, n°24, janvier 1998).

L’abbé Legendre a écrit sur ce sujet un livre qui a fait longtemps référence : la Manière de cultiver les arbres fruitiers. Cet ouvrage, fut publié pour la première fois en 1652 à Paris, chez Antoine Vitré. Il fut suivi d’une contrefaçon (à Rouen, chez Jacques Hérault, 1662) et plusieurs rééditions : Paris, Vitré, 1658; Paris, Pépingué, 1662; Rouen, Maillard, 1664; Paris, 1665; Paris, de Beaujeu, 1672, et Charles de Sercy, 1676; Bourg, Joseph Leroux, 1689; Lyon, Jacques Lyons, 1689 et Rouen, du Mesnil, 1701. Il eut même l’honneur d’une traduction anglaise. Une réimpression fac-similé fut encore faite à Rouen en 1879 par l’imprimerie de Léon Deshays. Dans les sept premières éditions, l’ouvrage connu de notables augmentations, telle qu’une liste descriptive de tous les fruits de table existant à l’époque.
Dans son ouvrage, l’abbé nous parle de son goût qu’il avait dès son enfance pour la culture des arbres fruitiers. Sa curiosité l’incitait déjà à « aller voir tous les jardins qui estoient en réputation ». Il ajoute dans sa préface, critique envers les jardiniers de son époque :
« Ceux qui se mesloient d’en planter (des arbres) le long des murailles les mettaient avec la même confusion que s’ils eussent planté des hayes d’espine, et quand ils commencoient à s’élever, les uns les tondoient avec le croissant comme on tond les palissades de charmes, les autres les laissoient venir en liberté, en sorte que le feste excédant incontinent la muraille, il n’y avoit plus que le tronc qui fust à l’abry, et toutes les branches qui rapportent le fruit n’en recevoient aucun avantage. »
Il explique dans son livre, dans un style simple et didactique, tout ce qui est essentiel pour la culture des arbres fruitiers : plantage, multiplication, culture en pépinière, préparation du sol, choix des variétés destinées à recevoir la greffe,… Dans la partie consacrée à la conduite des arbres en espalier, il recommande comme essentielles les opérations du pincement et traite de l’ébourgeonnement, de la torsion et du palissage.
Le lecteur notera que le sujet essentiel de l’ouvrage est la culture des poires et que l’auteur n’y parle aucunement de la culture des coings…

En 1993, un choc pour les Hénouvillais : le fameux livre est réédité dans la collection de la Réunion des Musées Nationaux diffusée par Seuil mais cette fois-ci sous le nom de Robert Arnauld d’Andilly !

Quelles sont les raisons de cette nouvelle attribution ?
En 1677, un jardinier du nom d’Aristote, avait déjà écrit dans son Traité de jardinage que Legendre était un nom d’emprunt et que le livre avait été écrit par l’abbé de Pont-Château. Ce dernier étant âgé de 18 ans au moment de la publication, cette affirmation est peu crédible.
Puis, Jean-Baptiste de la Quintynie, arboriculteur renommé en son temps, écrivit dans la préface de son Instruction sur les jardins que nous étions redevables « à quelques personnes de qualité éminente, qui sous le nom et sur les Mémoires du fameux curé d’Enonville, a si poliment écrit de la culture des arbres fruitiers », mais ne nomma personne. On proposa par la suite les noms de Guillaume de Lamoignon (1617-1677) et Olivier Lefebvre d’Ormesson (1610-1686). Enfin, dans l’édition de 1716 de l’ouvrage de La Quintynie, une note de l’éditeur Michel David avança sans preuve le nom du janséniste de Port-Royal, Arnauld d’Andilly. Cette allégation avait déjà été réfutée par Prévost en 1848 dans une Notice sur le traité d’arboriculture publié en 1652 par l’abbé Legendre, curé d’Hénouville et par P. Le Verdier dans un article paru dans Normannia intitulé Antoine Le Gendre et son traité: La manière de cultiver les arbres fruitiers.
Les auteurs de la réédition de 1993 argumentent cette thèse en soulignant la politesse de langage de l’auteur, la clarté de la démonstration, la nomenclature des fruits et la date de la publication.

Robert Arnauld d’Andilly

On peut citer en faveur de l’abbé Legendre que dans l’édition de 1676, le traité est précédé d’une épître signée « Le Gendre, curé d’Hénonville ». L’auteur y exprime son respect et sa reconnaissance à Jean-Louis de Faucon, président du Parlement de Normandie et lui dédie son ouvrage. Il écrit : « Je vous dois tout ce que je suis, et cet honneste loisir qui m’a donné le moyen de m’instruire en la science de cultiver les arbres. ». Plus loin, il ajoute : « Pour moy, je ne puis parler que de nos espaliers, et des bien-faits que j’ay receus de vostre main… Voilà ce que ce livre publiera par tout où la fortune le voudra conduire. C’est un enfant que j’oze maintenant vous présenter, jusqu’icy il n’a paru qu’en tremblant, et ne s’est montré au monde que pour scavoir si tout le monde le jugeoit digne de vous. Aujourd’huy qu’il a trouvé parmy les honnestes gens plus d’approbation qu’il n’esperoit, je vous le donne tout entier et sans réserve. »
On notera que, en parlant des avenues de hêtres et de chênes, l’auteur fait référence au Pays de Caux. Il dit également avoir une expérience de près de 50 ans : Antoine Legendre, né dans un village rural puis curé de campagne pendant plus de 30 ans, a certainement plus d’expérience que Arnauld d’Andilly retiré à l’abbaye de Port-Royal en 1646 après une carrière dans le droit.
Pour ce qui est du style, il peut très bien être celui d’un prêtre cultivé, aumônier du roi et contrôleur de ses jardins, et ami des Corneille. Quant à la date de la publication, elle n’est pas un argument, Antoine Legendre (1590-1665) et Robert Arnauld d’Andilly (1589-1674) n’ayant qu’un an d’écart.

Tous ces arguments sont donc très discutables et en l’absence de preuves ou du manuscrit original, il semble un peu audacieux d’attribuer l’ouvrage à Arnauld d’Andilly.

C’est en tout cas bien l’œuvre de « l’abbé Legendre » qui fit l’objet d’une conférence à l’Académie des Sciences en 1952.

Le nom de l’abbé Legendre a été donné à l’un des carrés de l’ancien potager du roi, devenu par la suite l’Ecole nationale supérieure d’horticulture de Versailles.

© Arnaud SERANDER 1999

No responses yet

Les colombiers d’Hénouville

Mai 04 2005 Published by under Abbé Legendre, Patrimoine

Sous l’Ancien Régime, le droit de colombier autorisait les seigneurs à faire construire un colombier dans leur domaine.

Chaque colombier peut contenir jusqu’à 2 à 3000 pigeons. Ceux-ci fournissent de la viande aux périodes délicates de l’année. Ils ont également l’avantage de se reproduire vite et fournissent chacun 2 à 3 kg d’engrais par an.

Ce privilège sera toujours très contesté en raison des dégâts considérables provoqués par les pigeons sur le grain à l’époque des semailles et des récoltes. En 1789, dans le cahier de doléances de la paroisse d’Hénouville, les habitants demandent l’extinction des colombiers, ou qu’ils soyent renfermés dans les semailles, avant et pendant les récoltes, qui sont les mois de mars, avril, juillet, aoust et octobre. Ce droit sera aboli dans la nuit du 4 Août 1789. Le colombier, symbole du fief et de l’autorité seigneuriale, occupe souvent la place d’honneur dans la cour. Il est de taille considérable et présente parfois un décor original. Les plus beaux spécimens dans notre région sont ceux du manoir des abbesses de Saint-Amand à Moos et du manoir d’Ango à Varengeville-sur-Mer. Sur les cinq colombiers que comptait Hénouville, seuls deux subsistent encore aujourd’hui.

Le colombier du presbytère

Le colombier du presbytere

L’abbé commanditaire de l’abbaye Saint-Georges de Boscherville, Louis François de Bassompière, concéda au célèbre curé d’Hénouville Antoine Legendre le 15 janvier 1630 le droit de colombier, à charge de bâtir ledit colombier sur le lieu presbytéral et de payer deux pigeons blancs de rente foncière estimée à cinq sous, le jour de la Saint Michel.

Dans le poème sur le presbytère d’Hénouville publié en 1642 et attibué à Antoine Corneille, le poète entrant dans le jardin s’émerveille de ce que:

L’ouverture de front présente un colombier, Dont la fécondité prodigue son gibier.

L’édifice bien conservé est de plan carré. Il est de même style et de même époque que le presbytère. Le larmier saillant à mi-hauteur que l’on retrouve sur la plupart des colombiers avait pour fonctions d’empêcher les petits rongeurs de pénétrer et de protéger la base des murs du ruissellement de l’eau de pluie.

Le colombier du château du Hamel

Le colombier du Hamel

Le colombier du Hamel
Le château du Hamel fut construit au XVIIe siècle pour Jean Richomme, seigneur d’Hénouville.

Le colombier est un colombier carré en moellons avec chaînages de pierre aux arêtes. Il est du type bifonctionnel: dans la partie basse deux jolies portes de pierre ouvrent sur deux caveaux; seule la partie supérieure, autrefois accessible par une échelle, étant à usage de colombier. La lucarne d’envol se trouve du côté opposé à la porte. Les boulins (niches des pigeons), sans doute en brique ou en pisé, ont disparu. La toiture en tuiles en mauvais état laisse prévoir une ruine prochaine.

Le colombier du château du Bellay
Celui-ci a disparu tout comme le château démoli en 1902. Il fut sans doute érigé au XVIIe siècle pour Jean du Resnel, conseiller du Roi et contrôleur des finances en la généralité de Rouen.

Le colombier du « manoir » près de l’église
Celui-ci est cité dans un acte de 1788.

Le colombier du château du Mesnil-Ribault
Dans le bas d’Hénouville, il était le plus ancien. Louis du Bosc, seigneur d’Emendreville (l’actuel quartier Saint-Sever à Rouen), du Mesnil-Saint-Georges et de Fleury -sur-Andelle a droit de colombier à pied en 1518.

Sa présence ne devait pas être du goût du voisinage car en 1718, Jacques Ribault, seigneur du Mesnil, se plaint que des particuliers se sont donnés la liberté de tuer les pigeons du colombier à coup de fusil par plusieurs et diverses fois, en sorte que lesdits quidams l’ont entièrement dépeuplé.

Ce colombier était de forme hexagonale, avec des côtés de quatre mètres de long, construit en moellons avec chaînage de pierre et couverture en paille. Il figure encore sur le plan cadastral de 1828 mais a disparu depuis.

Arnaud Serander – Janvier 1996

One response so far